Une première pour Netflix : l’intelligence artificielle intégrée à un processus de création audiovisuelle
Le 3 juillet 2025, Netflix a franchi une étape symbolique : pour la première fois, la plateforme a intégré une technologie d’intelligence artificielle générative dans le processus de création d’une de ses séries originales.
L’initiative, encore expérimentale, ne concerne ni le scénario ni les dialogues, mais certains éléments visuels issus d’un générateur d’images IA.
Elle relance un débat déjà vif dans le monde de la création : jusqu’où peut-on automatiser l’imaginaire ? Si l’IA générative s’invite dans les salles de montage, que restera-t-il de la main de l’artiste ? Et surtout : comment les métiers, les droits et la culture vont-ils s’adapter à cette présence algorithmique grandissante ?
Quand Netflix donne sa chance à l’intelligence artificielle créative
La série concernée par cette expérimentation s’intitule Let’s Be Evil (saison 2), une production d’animation de science-fiction à l’esthétique stylisée. Netflix a confirmé avoir eu recours à un modèle d’IA générative d’images, probablement basé sur Stable Diffusionou un équivalent, pour générer des arrière-plans, textures et éléments de décor partiels, afin de réduire les délais de production sans remplacer les animateurs humains¹.
L’équipe créative a supervisé chaque étape, avec des ajustements manuels sur les résultats générés. L’IA n’a donc pas été utilisée comme substitut, mais comme outil de prototypage visuel accéléré.
IA générative dans l’audiovisuel : que peut-elle faire (et ne pas faire) ?
L’intelligence artificielle générative peut être mobilisée dans plusieurs domaines de la création visuelle et sonore :
- Création d’éléments graphiques (fonds, textures, objets secondaires)
- Synthèse vocale et doublage assisté
- Musique de fond générée ou adaptée par IA
- Aide à la scénarisation ou au prototypage narratif
Mais son usage reste balisé : l’IA ne crée pas seule une œuvre cohérente, ni au niveau dramaturgique, ni en termes de direction artistique. Elle agit comme un accélérateur, ou un assistant, jamais comme auteur principal.
Quelles implications pour les professionnels de l’audiovisuel ?
L’initiative de Netflix soulève plusieurs effets potentiels sur les métiers créatifs :
- Des gains de temps pour les illustrateurs, concept artists et animateurs, qui peuvent générer rapidement plusieurs versions d’un décor
- Une évolution du rôle des directeurs artistiques, appelés à devenir des curateurs de contenus générés
- L’émergence de nouveaux profils : techniciens d’intégration IA, formateurs de modèles visuels, auditeurs de contenu généré
Mais elle provoque aussi des inquiétudes : appauvrissement du style visuel, dilution de l’identité artistique, pression économique sur les petites équipes.
Les enjeux juridiques et éthiques : qui est l’auteur d’une image générée ?
L’utilisation d’images générées par IA soulève plusieurs questions sensibles :
- Droits d’auteur : une image générée par IA est-elle protégeable ? Et si oui, par qui : l’utilisateur, l’équipe, la plateforme ?
- Utilisation de données d’entraînement : certains modèles ont été entraînés sur des œuvres sans licence explicite²
- Transparence pour le public : Netflix doit-il indiquer qu’une scène contient des visuels générés ?
- Impact social : jusqu’où automatiser sans fragiliser les équilibres humains de la création ?
Une première expérimentation ou un basculement ?
Netflix n’est pas seul. D’autres studios testent des IA pour :
- Générer des storyboards à partir de scripts
- Créer des voix de personnages non humains (via voice cloning)
- Simuler des foules en animation ou prévisualisation
Mais l’entrée officielle de l’IA générative dans une série diffusée à grande échelle marque un changement de paradigme.
Cela impose de repenser l’enseignement, la régulation et la gouvernance de la création audiovisuelle :
- Faut-il former les artistes à dialoguer avec les IA ?
- Comment auditer les images générées dans un pipeline créatif ?
- Qui rendra compte des dérives possibles (biais, plagiat, opacité des modèles) ?
Et demain : co-création ou dépendance ?
Cette première utilisation par Netflix pourrait devenir un précédent. Demain, l’IA pourrait assister l’humain dans l’écriture, la musique, la mise en scène, ou, si mal encadrée, appauvrir la diversité créative au profit de formats standardisés.
L’enjeu n’est donc pas seulement technologique, mais culturel et éthique :
souhaite-t-on une IA qui enrichit la création humaine, ou qui finit par la remplacer silencieusement ?
Références
1. Netflix a utilisé de l’IA générative pour une série animée – The Verge, 3 juillet 2025
https://www.theverge.com/2025/07/03/netflix-generative-ai-animation-series
2. Stability AI accusé d’utiliser des images protégées – Ars Technica, 2024
https://arstechnica.com/tech-policy/2024/05/stable-diffusion-faces-lawsuit-over-training-data/