Une équipe de chercheurs a démontré qu’un modèle d’intelligence artificielle peut désormais détecter des signaux physiologiques associés au stress chronique à partir d’examens d’imagerie médicale de routine. Cette avancée, présentée lors du congrès annuel de la Radiological Society of North America (RSNA), marque une progression importante dans la quête d’un biomarqueur objectif du stress prolongé, un phénomène dont l’impact clinique est bien documenté mais encore difficile à quantifier de façon standardisée1.
L’étude s’appuie sur l’analyse de scanners thoraciques réalisés auprès de près de trois mille patients. Les chercheurs y ont appliqué un modèle d’apprentissage profond capable d’extraire automatiquement des informations structurelles sur les glandes surrénales, des organes essentiels de la réponse hormonale au stress. Les mesures obtenues ont été combinées avec des données cliniques variées, allant du cortisol à la tension artérielle, afin d’identifier un marqueur physiologique robuste et observable, témoignant de la charge induite par un stress chronique.
Un biomarqueur détecté grâce à l’analyse automatique des glandes surrénales
Les glandes surrénales jouent un rôle central dans la régulation du métabolisme, de la pression artérielle, du système immunitaire et des réponses au stress. Dans cette étude, elles constituent le support biologique principal du biomarqueur détecté. Les patients présentant un stress élevé avant l’examen présentaient, en moyenne, des glandes surrénales plus volumineuses, des niveaux de cortisol accrus et un risque supérieur d’insuffisance cardiaque2.
Cette observation constitue un apport essentiel. Jusqu’ici, le stress chronique était évalué à partir de questionnaires ou de mesures hormonales ponctuelles, des méthodes pertinentes mais limitées. La possibilité d’identifier un signal physiologique directement dans des images médicales de routine ouvre une voie nouvelle pour un dépistage standardisé et reproductible.
Une méthode fondée sur l’analyse de milliers d’images médicales
Pour parvenir à ce résultat, les chercheurs ont construit un modèle d’apprentissage profond entraîné sur des milliers de scanners CT thoraciques. Ils ont extrait automatiquement la taille des glandes surrénales, puis ont comparé ces données à différents indicateurs cliniques associés au stress chronique.
Quelques chiffres clés issus de l’étude :
- près de 3 000 patients inclus,
- un volume important de scanners CT analysés,
- un modèle entraîné à reconnaître des variations minimes de morphologie surrénalienne,
- des corrélations robustes entre taille surrénalienne, cortisol et risques cardiovasculaires.
Cette capacité à extraire des signaux biomédicaux invisibles à l’œil humain confirme le potentiel de l’IA dans la détection précoce des marqueurs de la santé mentale et physiologique.
Applications médicales : vers un diagnostic plus objectif du stress chronique
L’identification d’un biomarqueur du stress chronique ouvre des perspectives importantes pour la prévention et la prise en charge médicale.
Parmi les applications envisagées :
- détection précoce des risques cardiovasculaires liés au stress prolongé,
- suivi longitudinal de patients exposés à des environnements stressants,
- évaluation objective de l’efficacité des thérapies,
- développement d’outils de prévention dans les milieux professionnels,
- modélisation des profils de vulnérabilité au stress afin d’adapter les parcours de soins.
Ce type de biomarqueur pourrait également contribuer à une médecine prédictive plus ciblée, en identifiant les individus exposés à des risques physiologiques non visibles dans leurs symptômes.
Limites et précautions scientifiques
Comme toute avancée préliminaire, ces résultats doivent être interprétés avec prudence. L’étude n’a pas encore été publiée dans une revue à comité de lecture et la généralisation du biomarqueur nécessite :
- la validation sur des cohortes plus diversifiées,
- une rigueur statistique renforcée,
- l’intégration des facteurs confondants (âge, condition physique, pathologies associées),
- des analyses longitudinales pour confirmer la stabilité du marqueur dans le temps.
Le volume surrénalien, s’il est corrélé au stress chronique, ne peut à lui seul résumer la complexité du phénomène.
Enjeux éthiques : données sensibles et risques d’usage non médical
Cette découverte soulève également des enjeux éthiques importants. Les images médicales contenant des indicateurs physiologiques liés au stress deviennent des données particulièrement sensibles. Leur exploitation dans des contextes non médicaux, par exemple à des fins d’évaluation professionnelle ou d’analyse assurantielle, représenterait une dérive majeure.
La gouvernance des données de santé, le consentement éclairé et la limitation des usages non cliniques sont donc essentiels pour accompagner l’émergence de ces nouveaux outils. Les futures réglementations, notamment européennes, devront intégrer ces nouvelles capacités technologiques afin d’éviter asymétries et discriminations.
Conclusion : un tournant pour la santé mentale et la médecine personnalisée
L’identification d’un biomarqueur du stress chronique par l’IA constitue une avancée considérable dans la compréhension des effets physiologiques du stress. Elle ouvre la voie à un diagnostic plus objectif, à une prévention plus ciblée et à une prise en charge plus personnalisée.
Cette découverte montre que l’IA, combinée à l’imagerie médicale, peut révéler des signaux physiologiques autrefois indétectables. Elle s’inscrit dans un mouvement plus large où la médecine s’appuie sur l’analyse automatisée pour développer des outils prédictifs et faciliter le repérage précoce des risques pour la santé mentale.
Pour aller plus loin
Pour approfondir l’évolution des outils d’intelligence artificielle appliqués à la santé et comprendre comment ces technologies redéfinissent les pratiques médicales, consultez : MedGPT : l’IA médicale française gratuite qui rivalise avec ChatGPT
Références
1. Radiological Society of North America. (2025). Deep Learning Model Identifies Adrenal Biomarkers of Chronic Stress From Routine CT Imaging.
https://www.rsna.org
2. National Institutes of Health. (2024). Physiological Mechanisms of Chronic Stress: Cortisol, Adrenal Function and Long-Term Health Outcomes.
https://www.nih.gov

