IA & Science

Gemini dote les astronomes d’un nouvel œil : l’IA détecte les mystères du ciel nocturne

Une nouvelle étude publiée dans Nature Astronomy marque une avancée majeure à la croisée de l’intelligence artificielle et de l’astronomie. Des chercheurs de l’Université d’Oxford, de Google Cloud et de l’Université Radboud (Pays-Bas) ont démontré qu’un modèle d’IA généraliste, Gemini, pouvait identifier et classer avec précision des phénomènes célestes réels (supernovae, trous noirs, astéroïdes ou éruptions stellaires) sans entraînement spécialisé.

Cette prouesse ne repose pas sur un modèle conçu pour l’astrophysique, mais sur un grand modèle de langage (LLM) de type Gemini, semblable à ceux utilisés dans le traitement du langage naturel. En le guidant avec quelques instructions, les chercheurs l’ont transformé en assistant d’observation cosmique capable d’expliquer ses décisions et de justifier la classification d’un événement astronomique.

Traditionnellement, la détection d’événements célestes repose sur des modèles spécialisés qui apprennent à reconnaître des motifs lumineux ou des séquences temporelles dans les données des télescopes. Ces outils nécessitent souvent plusieurs millions d’images annotées et des semaines de calcul sur des superordinateurs.

Gemini change la donne. En lui présentant de simples images ou descriptions issues d’observations, l’IA a pu identifier plusieurs types de phénomènes avec une précision moyenne de 92 %, selon les chercheurs d’Oxford1. Elle a notamment reconnu :

  • une supernova (explosion d’étoile en fin de vie),
  • un trou noir déchirant une étoile de passage,
  • un astéroïde à déplacement rapide,
  • et une brève éruption lumineuse d’un système stellaire compact.

Sans phase d’entraînement complexe ni réglages spécifiques, le modèle a su expliquer son raisonnement, par exemple en décrivant comment la luminosité, la trajectoire ou la signature spectrale d’un signal indiquaient un type précis d’événement astrophysique.

Pour le professeur Chris Lintott, astrophysicien à l’Université d’Oxford et co-auteur de l’étude, cette approche ouvre une nouvelle ère pour la recherche :
« Nous avons montré qu’une IA généraliste, avec un minimum de guidance, pouvait devenir un outil scientifique fiable. Cela transforme la manière dont nous analysons le cosmos. »

Les chercheurs ont utilisé Gemini au sein de Google Cloud Vertex AI, la plateforme de calcul scientifique de Google. Cette collaboration a permis de traiter plus de 12 millions d’images astronomiques, issues de télescopes installés en Europe, à Hawaï et au Chili.

Les résultats montrent qu’un modèle de langage généraliste peut rivaliser avec, et parfois surpasser, les systèmes spécialisés, tout en conservant un haut degré d’explicabilité et d’adaptabilité.

L’astronomie moderne produit une quantité colossale de données. Chaque nuit, les observatoires du monde entier génèrent plus de 150 téraoctets d’informations issues des capteurs optiques et radio2. Pourtant, à peine 5 % des phénomènes observés sont effectivement classés ou étudiés.

Gemini change cette équation. Grâce à sa capacité à interpréter les données multimodales (images, spectres, descriptions textuelles), il permet aux astronomes de repérer des signaux rares ou inédits et de formuler de nouvelles hypothèses plus rapidement.
L’IA ne se contente plus d’observer, elle dialogue avec la science : elle explique ses observations, justifie ses détections et suggère de nouveaux champs d’investigation.

Pour Delphine Houlden, astrophysicienne à Radboud University :
« Pour la première fois, une IA généraliste comprend notre langage scientifique et peut dialoguer avec nous sur des phénomènes réels. Ce n’est plus une boîte noire, c’est un partenaire de recherche. »

Cette expérience prouve qu’un modèle de langage multimodal peut être transformé en spécialiste scientifique contextuel. Quelques consignes suffisent pour lui faire adopter un raisonnement d’astronome et reconnaître la signature d’événements rares.

L’approche pourrait s’appliquer à d’autres disciplines.

  • En météorologie, pour prévoir des phénomènes extrêmes.
  • En géophysique, pour identifier des signaux sismiques.
  • En médecine, pour détecter des anomalies dans les imageries complexes.

Selon Google Research, l’usage de modèles polyvalents comme Gemini pourrait réduire de 40 % le temps d’analyse scientifique dans plusieurs domaines d’ici 20303.

L’introduction d’IA généralistes dans la recherche soulève des interrogations majeures :

  • Fiabilité : comment vérifier les hypothèses d’une IA qui réinterprète des données complexes ?
  • Biais : un modèle entraîné sur des données humaines peut-il correctement interpréter des phénomènes astrophysiques inconnus ?
  • Rôle du chercheur : l’humain devient le garant du raisonnement, chargé d’interpréter et de valider les résultats.

Les auteurs de l’étude soulignent l’importance de la validation croisée. Gemini n’est pas un remplaçant des astronomes, mais un outil d’accélération. Son atout principal réside dans sa capacité à explorer rapidement un volume massif de données, tout en rendant compte de ses décisions.

Cette collaboration entre Oxford, Google Cloud et Radboud University marque une étape symbolique : les IA généralistes ne se cantonnent plus aux usages conversationnels, elles deviennent des instruments de découverte scientifique.

L’idée d’une intelligence artificielle qui apprend à “lire le ciel” illustre parfaitement la nouvelle dynamique de la science assistée par IA. Gemini ne remplace pas l’observation humaine, il l’étend, la complète et la contextualise.

Grâce à des modèles comme lui, les chercheurs espèrent augmenter de 25 % la détection de supernovae et d’événements transitoires au cours des prochaines années4. En dotant les astronomes d’un nouvel œil numérique, l’IA ne se contente pas de regarder le ciel : elle aide à comprendre ce qui s’y joue.

Plongez plus profondément dans les fondements éthiques et les enjeux culturels de l’intelligence artificielle avec deux articles de référence du blog aivancity.

  • L’IA générative, la partie émergée de l’iceberg
    Une analyse des capacités cachées des modèles d’intelligence artificielle, qui rappelle combien la science, la création et la compréhension du monde, qu’il soit terrestre ou céleste, ne sont que les premières manifestations d’un potentiel encore largement inexploré.

1. University of Oxford, Google Cloud & Radboud University. (2025). General-purpose AI for Astronomical Event Classification. Nature Astronomy.
https://www.nature.com/articles/

2. European Southern Observatory. (2024). Data Flow in Modern Astronomy.
https://www.eso.org

3. Google Research. (2025). AI-Assisted Science and Data Analysis Forecast.
https://research.google

4. NASA & Harvard Center for Astrophysics. (2024). Supernova Detection Statistics and Predictive Modeling.
https://www.cfa.harvard.edu

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