Comment améliorer l’accès, la gestion et la valorisation des archives et documents publics grâce à l’IA ?
La question de la modernisation de l’accès aux documents administratifs et patrimoniaux reste centrale dans les politiques publiques de transformation numérique. À ce titre, ConversIA — une plateforme d’IA développée par la startup française DoXulting en partenariat avec le programme Tech.gouv — marque une avancée significative pour la gestion automatisée des documents publics. Alliant traitement du langage naturel, classification intelligente et dialogue conversationnel, cette solution ambitionne de rendre l’administration plus accessible, tout en posant de nouvelles questions en matière de gouvernance, d’éthique et de transparence.
Une IA tricolore pour fluidifier les démarches documentaires
ConversIA s’appuie sur des modèles de langage français spécialisés dans la compréhension des documents normatifs, législatifs et administratifs. L’objectif : proposer un assistant virtuel capable d’indexer automatiquement des corpus documentaires hétérogènes (rapports, circulaires, archives numériques), d’en extraire les informations clés, et de répondre aux requêtes des usagers — administrations comme citoyens — en langage naturel.
Cette initiative s’inscrit dans un contexte où l’administration publique génère chaque année plusieurs dizaines de millions de pages de documents, souvent difficilement exploitables en l’état1. ConversIA propose ainsi une interface simple permettant, par exemple, de demander : « Quels sont les textes en vigueur concernant l’installation de panneaux solaires en copropriété ? », et d’obtenir une réponse contextualisée, accompagnée des documents officiels pertinents.
Cas d’usage : des archives aux guichets administratifs
Les premières expérimentations de ConversIA ont été menées dans des collectivités territoriales, avec plusieurs cas d’usage concrets :
- Accès aux délibérations locales : des assistants IA permettent aux agents comme aux citoyens de retrouver instantanément les délibérations correspondant à un mot-clé ou une période donnée.
- Consultation facilitée des textes réglementaires : des agents peuvent interroger ConversIA sur les normes d’urbanisme ou les obligations de déclaration dans leur commune.
- Valorisation des archives patrimoniales : dans certains musées ou centres d’archives, l’IA est utilisée pour extraire automatiquement les métadonnées de milliers de documents scannés, accélérant leur mise en ligne.
Gouvernance, éthique et souveraineté : des enjeux cruciaux
L’implantation de ConversIA dans la sphère publique française soulève naturellement des interrogations sur la protection des données, la transparence algorithmique et la fiabilité des réponses générées. Pour répondre à ces enjeux, la solution repose sur des modèles hébergés en France, avec un audit régulier du comportement de l’IA et la possibilité d’en retracer les sources et fondements juridiques. Elle s’inscrit dans les recommandations du Comité interministériel de la transformation publique (CITP) sur l’usage responsable de l’IA dans l’administration2.
Par ailleurs, ConversIA met en œuvre un mécanisme de supervision humaine systématique : chaque réponse produite est accompagnée d’un lien vers le texte source, et les agents administratifs peuvent annoter ou corriger les résultats, permettant ainsi un apprentissage continu du système tout en garantissant la redevabilité.
Une stratégie nationale pour l’IA documentaire
Le développement de ConversIA reflète une volonté politique plus large : celle d’investir dans des infrastructures numériques publiques maîtrisées, à haute valeur ajoutée. Le programme France 2030 consacre 2,5 milliards d’euros à l’IA, dont une partie est dédiée à des solutions verticales pour les ministères et collectivités3. Le volet documentaire y apparaît comme un levier stratégique, tant pour améliorer la relation citoyen-administration que pour renforcer la souveraineté informationnelle de l’État.
Avec ConversIA, la France affirme donc sa capacité à proposer des alternatives locales aux grandes plateformes de cloud et d’IA, tout en respectant ses engagements en matière de transparence et de souveraineté numérique.
Quelles perspectives pour l’IA documentaire dans les services publics ?
L’IA documentaire ouvre la voie à une administration plus réactive, plus lisible et plus inclusive. Mais elle suppose également de repenser les formations des agents, les processus de validation des réponses générées, ainsi que les garanties de neutralité. ConversIA pose ainsi les jalons d’un service public augmenté, mais appelle à une vigilance continue sur les usages, les biais et les dépendances technologiques. La confiance citoyenne sera-t-elle au rendez-vous de cette mutation numérique ?
Références
1. Cour des comptes. (2023). Rapport annuel sur les archives publiques numériques.
https://www.ccomptes.fr/fr/publications
2. Direction interministérielle du numérique. (2024). Guide de l’IA responsable dans les services publics.
https://www.numerique.gouv.fr
3. Ministère de l’Économie. (2024). France 2030 : stratégie IA pour les services publics.
https://www.economie.gouv.fr/france2030