Depuis le lancement de ChatGPT, l’usage de l’intelligence artificielle générative s’est largement répandu, y compris dans des tranches d’âge initialement non ciblées. Collégiens, lycéens et même enfants sont désormais nombreux à utiliser ChatGPT pour leurs devoirs, leurs exposés ou leurs projets créatifs, souvent à l’insu de leurs enseignants ou de leurs parents. Face à cet usage massif mais non encadré, OpenAI a confirmé le développement d’une version de ChatGPT dédiée aux adolescents, avec des garde-fous adaptés à cette population.
Annoncée comme gratuite, éducative et conforme aux normes de protection des mineurs, cette initiative pourrait marquer une nouvelle étape dans la démocratisation de l’IA. Mais elle soulève aussi des questions fondamentales : quelle IA pour quels usages éducatifs ? Avec quelles limites, et quelles garanties ?
Pourquoi une version spéciale pour les adolescents ?
Jusqu’ici, l’utilisation de ChatGPT était officiellement réservée aux personnes de plus de 13 ans, avec un consentement parental requis. Dans les faits, de nombreux jeunes y accèdent via des comptes familiaux, scolaires ou anonymes. En parallèle, de nombreux enseignants reconnaissent l’intérêt d’une IA capable de vulgariser, reformuler ou structurer des savoirs, tout en soulignant l’absence d’encadrement pédagogique clair.
En développant une version spécifique pour les adolescents, OpenAI tente de répondre à un double besoin :
- Accompagner l’usage éducatif croissant de ChatGPT dans les collèges et lycées, de manière plus responsable et sécurisée.
- Anticiper les régulations en matière de protection des mineurs, notamment aux États-Unis (COPPA) et en Europe (RGPD, DSA, AI Act).
Selon OpenAI, le projet vise à offrir un environnement conversationnel adapté à l’âge, avec des contenus filtrés, une posture éducative claire et des fonctionnalités pensées pour favoriser l’apprentissage, sans exposition à des risques inappropriés1.
Ce que l’on sait du futur “ChatGPT Junior”
Peu d’éléments techniques ont encore été rendus publics, mais plusieurs caractéristiques se dessinent déjà :
- Un filtrage de contenu renforcé : langage, sujets sensibles, types de réponses.
- Des paramètres de contrôle parental : historiques consultables, restrictions horaires ou thématiques.
- Une interface simplifiée, orientée vers les usages scolaires et créatifs.
- Des instructions pédagogiques intégrées, pour encourager les élèves à poser des questions, vérifier leurs sources, ou réfléchir par eux-mêmes.
Cette version pourrait aussi être interopérable avec les plateformes éducatives existantes, ou intégrée dans des environnements numériques de travail (ENT), selon les pays.
Apprendre avec une IA : quels usages concrets au collège ?
Encadrée intelligemment, une IA comme ChatGPT peut devenir un outil d’appui pédagogique. Voici quelques exemples d’usages pertinents pour les adolescents :
- Aide à la compréhension de cours : reformulations, exemples, explications personnalisées.
- Préparation d’exposés ou de devoirs : structure, brainstorming, relecture de productions écrites.
- Développement de compétences transversales : argumentation, esprit critique, créativité.
- Orientation scolaire : découverte de filières, de métiers, de parcours d’études.
- Éducation civique et numérique : apprendre à reconnaître les limites de l’IA, les biais, ou les usages éthiques du numérique.
À condition d’être bien utilisée, l’IA ne remplace pas l’enseignant, mais agit comme un tuteur virtuel, réactif, personnalisé et complémentaire à l’encadrement humain.
Une IA pour mineurs : opportunité éducative ou risque mal maîtrisé ?
Ce projet soulève toutefois plusieurs enjeux éthiques, techniques et juridiques :
- Protection des données personnelles : les interactions des mineurs devront être strictement encadrées (conservation, traçabilité, consentement parental)2.
- Fiabilité des réponses : comme toute IA générative, ChatGPT peut halluciner ou produire des contenus erronés.
- Neutralité des contenus : les jeunes publics sont plus influençables ; un effort de transparence, de modération et de diversité culturelle est indispensable.
- Risque de substitution : certains usages non encadrés pourraient mener à une délégation excessive (devoirs faits “par” l’IA, absence de réflexion personnelle).
Enfin, la question de l’addiction numérique ne peut être écartée, d’autant plus que les adolescents sont déjà fortement exposés à l’hyperconnectivité.
Une opportunité pour repenser l’éducation à l’IA
L’arrivée prochaine d’un ChatGPT pour adolescents peut être vue non pas comme une menace, mais comme une occasion de structurer une véritable éducation à l’intelligence artificielle dès le collège. Cela suppose :
- Une intégration réfléchie dans les programmes scolaires, accompagnée par les enseignants.
- Une formation des équipes éducatives pour comprendre les forces et les limites de ces outils.
- Un dialogue avec les familles sur les usages et les règles d’encadrement.
- Une ouverture à des ressources francophones et multiculturelles, pour éviter un outil trop centré sur les corpus anglo-saxons.
Plus largement, ce projet pourrait renforcer l’objectif de former des citoyens éclairés et autonomes face aux technologies, dès le plus jeune âge3.
Vers une IA éducative… et responsable ?
Le projet d’un ChatGPT “Junior” confirme une tendance forte : l’intelligence artificielle entre dans la sphère éducative, et ce dès le collège. Reste à savoir si cette évolution se fera dans une logique de co-éducation (élèves, familles, enseignants, institutions), ou si elle s’imposera par l’usage.
OpenAI, en posant les bases d’une version encadrée et adaptée aux adolescents, ouvre un nouveau chapitre : celui d’une IA à visée formative, mais qui devra, plus que jamais, faire preuve de transparence, éthique et sobriété d’usage.
Pour aller plus loin
Pour approfondir les enjeux éducatifs, éthiques et fonctionnels liés aux outils IA destinés aux jeunes, voici deux articles internes du blog aivancity particulièrement pertinents :
- ChatGPT se ramifie : l’outil “Créer une branche” ouvre la voie à une navigation plus intelligente : examine des fonctionnalités de structuration des conversations qui peuvent enrichir l’expérience d’apprentissage et le contrôle des parcours dialogiques.
- Google lance Gemini for Kids : une Intelligence Artificielle éducative pour enfants : explore comment une version d’IA conçue pour les enfants peut concilier usage pédagogique et protections nécessaires.
Références
1. OpenAI. (2025). ChatGPT for teens: building a safe and educational version.
https://openai.com/blog
2. CNIL. (2023). Enfants et données personnelles : protéger les plus jeunes dans l’univers numérique.
https://www.cnil.fr/
3. UNESCO. (2022). Guidance for policy-makers on AI and education.
https://unesdoc.unesco.org