Un tournant dans les habitudes de consommation numérique ?
Le commerce en ligne connaît une nouvelle mutation, portée cette fois-ci par l’essor des technologies d’intelligence artificielle générative. D’après une récente étude menée par Havas Market auprès de plus de 1 000 Français, 54 % des consommateurs affirment que l’IA va transformer leur façon d’acheter d’ici cinq ans1. Chatbots conversationnels, recommandations prédictives, visualisation personnalisée des produits : autant de fonctionnalités qui dessinent les contours d’un « shopping augmenté ». Mais quelles sont les attentes réelles des utilisateurs et les usages déjà observés ?
Une demande de fluidité, de personnalisation et de guidance
Selon l’étude, 72 % des Français souhaitent que l’IA les aide à gagner du temps dans leur parcours d’achat2. Cette attente se traduit par une recherche de simplicité : suggestions de produits ciblés, réponses instantanées aux questions ou encore aide à la comparaison des offres. Plus de six consommateurs sur dix plébiscitent une expérience d’achat plus intuitive, moins chronophage et mieux adaptée à leurs besoins.
L’IA générative, en particulier, semble répondre à ces enjeux grâce à sa capacité à générer du contenu textuel ou visuel sur mesure. 41 % des Français se disent intéressés par des recommandations de produits personnalisées via IA, et 35 % par des assistants virtuels capables d’accompagner l’achat de bout en bout.
L’IA générative dans la vie quotidienne des Français
L’étude met également en lumière les outils d’IA générative déjà utilisés par le grand public. Sans surprise, ChatGPT dans sa version gratuite arrive largement en tête avec 80 % d’utilisateurs, suivi par Gemini (33 %) et Copilot (19 %). Ces chiffres traduisent une démocratisation rapide de ces technologies, qui deviennent progressivement des assistants polyvalents au quotidien – y compris dans les démarches commerciales.
Ces usages traduisent une montée en compétence du consommateur vis-à-vis des outils d’IA, tout en confirmant que l’expérience d’achat devient plus conversationnelle et immersive. Cela pousse les marques à revoir leurs interfaces et leurs stratégies de ciblage, afin d’intégrer ces nouvelles interactions.
Quelles limites éthiques à un shopping prédictif ?
Si l’IA ouvre la voie à une consommation plus fluide, elle interroge également sur le plan éthique. La collecte massive de données personnelles pour alimenter les algorithmes de recommandation soulève des questions de transparence, de consentement et de protection de la vie privée. L’étude révèle que 47 % des Français se disent préoccupés par l’usage de leurs données dans un contexte de commerce automatisé.
Au-delà des questions de surveillance, le risque d’hyperpersonnalisation algorithmique pose celui d’un enfermement dans des bulles de consommation. L’IA pourrait alors restreindre les choix plutôt que de les élargir, en anticipant les besoins de manière trop directive. Il devient essentiel de poser un cadre éthique et réglementaire autour de ces pratiques émergentes, en garantissant notamment le droit à l’explicabilité des recommandations automatisées.
Vers une redéfinition des parcours clients
L’essor du shopping augmenté par l’IA invite à repenser la chaîne de valeur dans le retail. Pour les marques, cela signifie intégrer des technologies capables de capter l’intention d’achat en temps réel, de prédire les préférences et de personnaliser l’ensemble de l’expérience client. Les outils de visualisation par IA (essayage virtuel, placement d’objets en réalité augmentée) ainsi que les moteurs conversationnels capables d’affiner les besoins en continu sont au cœur de cette transformation6.
En parallèle, les acteurs du e-commerce investissent massivement dans des infrastructures algorithmiques internes ou dans des partenariats avec les grands fournisseurs d’IA générative (OpenAI, Google, Mistral, etc.) pour rester compétitifs.
Quel futur pour le commerce augmenté ?
L’intelligence artificielle s’impose comme un catalyseur d’innovation dans les pratiques de consommation. L’étude d’Havas Market témoigne d’un appétit réel du consommateur français pour une expérience d’achat plus rapide, plus personnalisée et plus fluide. Cette dynamique engage cependant les entreprises à faire évoluer non seulement leurs outils, mais aussi leurs principes de design, de communication et de gouvernance numérique.
Les scénarios à venir sont multiples : vers une généralisation des interfaces vocales et multimodales, une autonomie accrue des agents d’achat virtuels, ou encore une gestion prédictive des stocks selon les profils utilisateurs. Mais à mesure que ces dispositifs s’affinent, se pose une question centrale : comment préserver l’esprit critique, la diversité de choix et l’autonomie du consommateur dans un environnement de plus en plus guidé par des logiques d’optimisation algorithmique ?
Ce futur du commerce augmenté, en tension entre efficience technologique et exigences éthiques, ne se jouera pas seulement dans les bureaux de R&D des géants du numérique, mais aussi dans les décisions collectives sur ce que nous attendons d’un acte d’achat à l’ère des intelligences artificielles.
Références
1. Havas Market. (2025). Étude “Shopping augmenté” – Usages de l’IA par les consommateurs français.
https://www.havasmarket.com
2. Le Journal du Net. (2024). 72 % des Français veulent une IA qui simplifie leur parcours d’achat.
https://www.journaldunet.com/intelligence-artificielle/1528179-l-ia-dans-l-experience-client-en-2024-marques-et-consommateurs-sont-ils-alignes/